Constantin Brancusi
Hobita- un état d’âme
Scénario et commentaire de Cleopatra Lorintiu
(sur les lieux de l’enfance du sculpteur Roumain , Constantin Brancusi, Né à Hobita le 21 février 1876, décédé à Paris, France, le 16 mars 1957)
C’est ici le lieu où Constantin Brancusi a vu le jour : le bocage au bord de la rivière Bistrita ,le département Gorj. C’est la douceur des collines subcarpatiques,en
Roumanie, région de Valcan, au hameau d’Hobita. C’est un village d’artisans et de tailleurs de bois,et lui, il est le cinquième de sept enfants de Nicolae Brancusi ( le fils de Nicolae Brâncusi et de Maria Diaconescu ).
Un enfant apparemment comme les autres qui passait son temps dans le bocage de la rivière avec les moutons et les vaches, mais qui semblait découvrir le monde tout autrement, le monde qui allait l’attirer comme un aimant, le monde qui allait le fasciner et l’appeler sans cesse.
Un garçon qui allait être un petit rebelle, passionné de la liberté, prisonnier de l’imagination, de la forme et de la pensée.
A sept ans, son premier geste d ‘indépendance : il quitte sa maison pour le monde…
Sa mère le trouve à Targu Jiu et le ramène à la maison.
Il commence ses études à Pestisani et les reprend ensuite à Bradiceni en 1885, triste année marquée par la mort de son père. L’enfant de neuf ans reste avec sa mère qui se trouve dans des conditions précaires.
Les souvenirs sont fragmentaires : puni après avoir entaillé le petit banc en bois , il est exclus de l’école ; il est apprenti pour quelque temps chez un marchand de toneaux.
Imaginons – nous un enfant qui menait les vaches au pâturage, qui jouait dans le hameau traversé par l’eau rapide de la Bistrita, qui ânonnait dans la salle étroite de l’école ; un enfant plus curieux que les autres, un enfant qui ressentait un désir mystérieux de partir, de partir n’importe où en emportant avec lui le trésor de son cœur.
Texte de Constantin Brancusi :
« La simplicité n’est pas un but, on y parvient naturellement si l’on s’approche du vrai sens des choses. Trouver le chemin qui mène au ciel. »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu:
Il se tient longtemps sur la grève, regardant les ondes de la Bistrita, il amasse les cailloux de la rivière et les range dans son sac selon les formes, les dimensions et les couleurs ; des pierres rongées par l’eau et sculptées par le vent .
Lui, sur la rive, avec les pierres : belles, parfaites, pour l’amour de l’art.
La magie des pierres du rivage , quelque part, une rivière perdue parmi les anneaux verts des subcarpatiques, allait trouver de visage .
Les poissons et les oiseaux de ce coin du monde attendaient une transfiguration. Quelqu’un qui pourrait en surprendre l’essence, l’esprit.
Tout comme les oiseaux du ciel dessinaient des silhouettes sur l’horizon, tout comme les nuages engendraient des merveilles blanches éphémères sur le bleu infini, tout comme il pressentait la vie à Hobita, hameau perdu dans les Carpates.
( Texte de Constantin Brancusi :
« Quand on voit un poisson, on ne pense point à ses écailles : on pense à la rapidité de son mouvement, à son corps lumineux qui nage, corps aperçu à travers l’eau.
Eh bien, voilà ce que j’ai voulu exprimer. Si j’avais reproduit ses ouïes, ses yeux, ses écailles j’aurais arrêté son mouvement et j’aurais obtenu une simple copie de la réalité. Au contraire, j’ai voulu attraper la flamme de son esprit. »)
Commentaire de Cleopatra Lorintiu
L’influence de sa mère est sans doute décisive pour l’orphelin. Le monde de Bradiceni, les contes, les histoires, les jeux avec les enfants du village. Il aime monter à la montagne comme aide berger. Il ne s’intéresse pas trop à l’école ; d’ailleurs, à l’époque beaucoup d’enfants la quittaient pour trouver un métier, pour tenter leurs chances.
Dans le registre des élèves de l’école de Bradiceni, il apparaît une mention selon laquelle Constantin a envoyé son frère Grigore à sa place le mois de mai.
Il a le désir de parti , il entend la voix de l’inconnu, il veut embrasser l’immense horizon.
Finalement ce qui devait se passer s’est passé.
En 1888 la troisième tentative de s’enfuir lui réussit. Il travaille à Slatina comme apprenti dans un magasin, il part pour Craiova où il travaille pour apprendre un métier dans le petit restaurant des frères Spirtaru, rue de la Gare, puis au bistro et à l’épicerie de Ioan Zamfirescu.
Il est toujours un enfant, mais un enfant qui gagne son pain, il éprouve du talent pour la sculpture, il émerveille les clients de Craiova par le violon qu’il a crée.
Hobita reste quelque part en arrière avec ses champs débordant des fleurs, avec les longs jours d’été, avec l’odeur du foin et du regain.
Pendant l’hiver il fait toujours de nombreux bonshommes de neige, spectaculaires ; il dit que par leur forme il veut transmettre de la joie aux hommes.
Combien ce serait de la réalité et combien de l’interprétation ultérieure, de la biographie romancée …. On ne pourrait pas le savoir!
Mais il reste le souvenir, l’image d’un enfant fasciné par les formes.
Tous les détails de l’enfance du sculpteur ont entré déjà dans la conscience des villageois. L’histoire se répète tout comme dans l’Ipotesti d’Eminescu, le village Hordou de George Cosbuc ou le village Liveni de la Moldavie ,d’Enesco. Cette histoire vit encore de nos jours…
Et c’est bien qu’ainsi tournent les choses.
Le professeur Ion Blendea a été toute sa vie le conservateur de cette maison imaginée comme musée. Il a raconté ces histoires à toutes les générations de visiteurs et des voyageurs comme l’on dit une poésie que l’on sait par cœur…
Toujours répétés, les détails d’une enfance normale, commencent à constituer doucement les dalles du mythe dont on a besoin.
Intervention de Ion Blendea, le conservateur de musée de Hobita.
« La maison originale où Constantin Brancusi est né a été déplacée trois maisons plus loin sur cette ruelle. Dans la cour il y a trois mûriers originaux – de ce mûrier derrière moi, Brâncusi est tombé à l’âge de six ans. Il est monté chercher des mûres, mais il est tombé et il s’est démis le bras droit. Certes, ses parents ont été inquiets et ils ont appeler une femme du village, une telle Evdochia, la rebouteuse de Hobita. Elle lui a enveloppé la main dans de la chanvre avec de l’eau-de-vie et l’a bandée d’une éclisse de sapin. Après la guérison il a passé tout un été à la montagne avec les moutons et les bergers. Chaque soir il aimait raconter des histoires ce dont témoignent tous ceux qui l’ont accompagné et l’ont écouté parler. »
Texte de Constantin Brâncusi :
« C’est une habitude de mon enfance. Chaque fois que le maître m’envoyait à la cave pour apporter du vin je chantais à moi-même, à mi-voix pour que les autres gens ne m’entendent. C’est ainsi que la chanson s’est fixée dedans moi comme un murmure.
Ce n’est pas la forme extérieure des choses qui est réelle, mais leur essence. A partir de cette vérité, personne ne peut exprimer la réalité en imitant la surface externe des choses. »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu :
La petite maison calme aux lourdes poutres, solidement harmonisées, aux géraniums joyeux et aux objets anciens représente une sorte d’emblème de la façon d’être de ses ancêtres appartenant à la branche des Bejucons dont la plupart étaient des tailleurs de bois à la hache.
L’arrière-grand-père du sculpteur avait élevé l’église du village justement en la sculptant à la hache. La palissade et les piliers sculptés non loin de la maison à travers les champs près du petit cimetière.
Combien d’enfants du village n’ont pas entaillé leurs bancs avec le canif, n’ont pas été réprimandés et n’ont pas subi à leur temps les rigueurs de l’école ? Seulement un, allait devenir une légende, une légende perpétuelle grâce à la répétitivité de fixer chaque instant de son enfance dans la mémoire collective, chacun des premiers pas de celui qui allait transfigurer la destinée de la sculpture du vingtième siècle, Constantin Brancusi.
Intervention vidéo du conservateur du musée de Hobita, Ion Blendea
« Il a fait l’école primaire à Pestisani. Trifu, son camarade d’école, racontait que le canif ne manquait jamais au petit Costica – il le portait toujours lié avec une ficelle de chanvre. Pendant la deuxième classe il a entaillé son nom sur le banc d’école ce qui a fâché son maître et l’a déterminé de le garder en détention. Brancusi se fâche aussi et il ne va plus à Pestisani, mais il continue l à Bradiceni, le village voisin.
Trifu avouait : « Quand nous avons commencé l’école nous allions ensemble à Pestisani où se trouvait l’école en bois. Il a suivi à Pestisani deux classes. Le nom du maître était Zaharia. Un jour il a entaillé le banc avec son canif et le maître l’a retenu dans le poulailler. Il s’est enfui et est allé à Bradiceni où Petre Brancusi était le maître. C’est là qu’il a fait les autres classes. Il était intelligent et il comprenait vite et aimait tout savoir. A l’âge de onze ans, après avoir terminé les quatre classes il s’enfuit de la maison à l’insu de ses parents et travaille à Târgu Jiu comme apprenti dans un atelier de teinturerie. Le contrat du travail qui se trouve aux Archives de l’Etat de Târgu Jiu mentionne : des vivres, deux costumes et ensuite l’on verra. Il y reste peu de temps, puisque sa mère, Maria Diaconescu, prend le chemin de la ville et se mit à pleurer à la vue du petit Costica le visage teinté et les doigts brûlés par vitriol.
Aux prières de sa mère, à ses larmes, il consent à rentrer à Hobita, mais pas pour longtemps, parce que dans sa tête d’enfant extraordinaire naît l’idée de partir plus loin. Mais Targu Jiu est trop proche et il peut être facilement retrouvé par ses parents. »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu:
Les chemins mènent inévitablement au pré de la Bistrita, aux bocages frais respirant le parfum de menthe à travers les champs arrosés des fleurs à mille couleurs et de l’odeur de caille-lait jaune, de pois de senteur et de serpolet.
La réalité, elle était construite tout d’abord des formes…
Parti pour le monde, le sculpteur allait revenir quelques fois à la maison comme l’on revient toujours à sa matrice génératrice parmi ses enseignes fondamentales. Sa vie éblouissante engloutissant la lutte, le défi des préjugés, l’atelier parisien, l’effort de se faire reconnaître par le monde américain, le calvaire de chaque sculpture, les amis et les ennemis , les femmes aimées, le monde artistique souvent agressif où l’artiste roumain a lutté pour s’imposer comme artiste de génie, offrant son esprit comme sacrifice, changeant les critères d’appréciation et l’axe de contemplation de l’art, la vie même allait le faire rentrer de temps en temps à la maison.
Texte de Constantin Brancusi :
« Au début j’ai mené une vie affreuse à Paris. Parfois je m’adossais aux murs pour ne pas tomber. A cause de la faim, de la maladie. J’avais accroché au-dessus du lit des pancartes où j’avais écrit des conseils que je m’étais données dans mes moments de doute.
Je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui on taille les montagnes pour sculpter de leur pierre des nues, c’est-à-dire des cadavres. Est-ce que tu vois des gens nus autour de toi ?
Cela manque de sens ! Moi aussi j’ai fait de la sculpture décadente, j’ai eu des expositions aux Salons . Mais plus tard je me suis rendu compte de sa futilité. J’avais dans mon atelier à peu près dix statues à la manière de Michel-Ange. Je passais par- dessous leurs pieds. Jusqu’à ce qu’un jour quand j’ai compris que ce n’était pas ma voie, j’ai pris le marteau et je les ai toutes détruites.
Je suis né à Pestisani . Je viens de Gorj. A sept ans j’ai quitté ma maison pour le monde.
L’art est censé d’être de la joie pure. Le travail artistique est un besoin naturel, une nécessité de la vie. On travaille tout comme l’on respire. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’artistes, seulement des hommes qui éprouvent le besoin de travailler dans la joie, de chanter comme les oiseaux. Dès que l’artiste apparaît, l’art disparaît. Chaque homme devrait trouver sa mesure. Et que l’art soit à la mesure de l’homme. L’art ne doit pas dépasser l’homme.
Lors de mon enfance je rêvais de voler à travers les arbres et le ciel. Depuis quarante cinq ans je vis avec le fardeau du souvenir de ce rêve. Je ne veux pas représenter un oiseau, mais exprimer sa qualité intrinsèque, le vol, son élan. Je doute que j’y réussisse un jour. »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu
Les retours à la maison, à la source avaient des buts précis. A un moment donné, il fait une donation de six mille lei à l’église du village et un ciboire sur lequel il signe en tant que fondateur. Il pense aussi à l’avenir de sa nièce et l’aide. Ou il projette un monument pour les gens de Pestisani. Il pense que ce sera en pierre d’Albesti – c’est le premier dessein mental de ce qui allait être » l’Ensemble » de Târgu Jiu.
Il emporta partout l’esprit de son pays natal : la solidarité accompagnée de vrais repères de la vie du paysan roumain.
Même à Paris il sculptait ses fauteuils et ses tabourets en bûches, il se faisait tout seul le poêle et la porte, tous les objets de l’atelier semblent dire en effet que la main pense et suit la voix de la matière.
Intervention vidéo du conservateur du musée, Ion Blendea
« Brâncusi a gardé ses habitudes de Hobita même à Paris où il achetait des prunes qu’il laissait fermenter dans l’alambic et dans cette atmosphère rustique il offrait à tous ceux qui passaient par son atelier de la gaude, des œufs pochés à la Brâncusi, du fromage, de la chou saumurée, du piment rouge en poudre et de l’eau-de-vie roumaine. Et à juste raison les gens l’ont appelé à Paris ‘le roi paysan’. »
Texte de Constantin Brâncusi
« On ne se rend pas compte de la merveille de la vie. C’est une merveille qu’on flotte sur un globe gigantesque qui tourne depuis des siècles à travers le chaos. L’existence même est remplie de merveilles : les fleurs, les arbres, les feuilles ! Que c’est une merveille de vivre ! Ce sentiment de plénitude, de joie, ce sentiment qui complète l’homme. C’est le sentiment de grâce que l’amour nous donne aussi. Mais les gens ne l’éprouvent pas. Parce qu’ils se trouvent aujourd’hui sur le précipice de la folie.
Je suis né à Pestisani…Je viens de Gorj, à sept ans je suis parti pour le monde. »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu
Ce sont les lieux des commencements et également des retours. Pestisani, Bradiceni, Hobita, les gens s’occupent de leurs propres affaires en quelque sorte imperturbables. Mais les repères du souvenir existent encore, l’école de Bradiceni, le village de sa mère, l’être le plus cher comme Brancusi l’appelait, le chemin parcouru tant de fois en pensant à l’évasion, l’école de Pestisani aujourd’hui délabrée, la longue histoire de la vraie maison et de la maison monument, histoire que chacun peut comprendre à sa guise. Le sculpteur n’a pas eu la chance de voir son monument rêvé trouver de place là , dans le village natal. En fait, il avait dit aux gens qu’il leur élèvera une porte en pierre, mais ils n’ont pas compris la nécessité d’une telle porte ; de plus, le propriétaire du terrain où l’on devait élever le monument a refusé de le lui donner…
Dans la mémoire des paysans allait demeurer le retour du sculpteur accompagné de la belle Eileen Lane. Pendant l’été de 1922. C’était ce retour à Hobita sous le signe de l’amour qui est entré aussi dans la légende. Les gens ont aimé l’Irlandaise aux yeux profonds qui s’habillait heureusement dans le costume populaire, qui faisait des blagues avec les filles du village, qui entrait dans la ronde paysanne roumaine, qui se promenait dans le village et se réjouissait de tout et de toutes.
C’était une prosternation de sa féminité subtile devant le pouvoir et l’énergie brillante de celui qu’elle aimait. De toutes les femmes qui ont passé par son atelier parisien, Brancusi n’a emmené qu’à Eileen à la maison, à Hobita pour qu’elle voie et pour qu’elle soit vue, pour qu’elle se réjouisse de ce retour aux origines, au point de départ, car Hobita est finalement un état d’âme.
Texte de Constantin Brancusi :
« Un monument dépend du lieu précis qu’on choisit, de la façon dont le soleil se lèvera et se couchera au-dessus, de la matière qui se trouve aux alentours.
Seulement après avoir ces données, on choisit son matériel et on travaille la forme qui devrait se relier parfaitement à la nature et fixer sa monumentalité.
Ce n’est pas la forme extérieure des choses qui est réelle, mais leur essence. A partir de cette vérité, personne ne pourrait exprimer la réalité en imitant la surface externe des choses. »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu
La maison où lui et mademoiselle Lane ont été hébergés est une maison régulière de campagne, une maison modeste qui mène de Târgu Jiu à Tismana, une maison à terrasse et cour située entre deux ruisseaux, l’un desquels passe par-dessus la fenêtre même ; dans le jardin il y avait des carottes et des roses à ce temps-là. C’était la maison d’Ilarion, l’oncle du sculpteur, avec lequel il avait mis au point un poêle, une horloge qui sonnait le minuit douze fois, une lampe à pieds, une armoire. C’était comme une révérence devant son métier, une solidarité avec les objets nécessaires issus de ses mains.
Intervention vidéo du conservateur de musée Ion Blendea
« On se trouve ici dans le point appelé Cioaca, point qui sépare la limite entre le village Hobita et le village Sauca. A droite, il y a les terres de Constantin Brâncusi, plus précisément de la famille, c’est-à-dire des Bejucons, car ils avaient ce surnom pour se distinguer d’une autre branche de la famille, les Chisarons.
Les Bejucons étaient des gens de petite taille. Chaque fois que Brâncusi venait dans le village il visitait cet endroit, Cioaca, pour admirer les châtaigniers – ici pousse le châtaignier comestible et le noyer sous l’influence du climat méditerrané. En 1922 lorsqu’il est arrivé avec l’Irlandaise Eileen, il l’a emmenée ici pour voir ce coin du monde merveilleux et l’on dit qu’il avait mis sur les herbes sèches de la terre d’automne des tapis, quelques couvertures en laine réalisées au métier à tisser, des cruches de vin, des châtaignes et des noix dans des pots de terre. Selon la coutume du pays quand on mit pour la première fois soit de l’alcool, soit de l’eau dans des cruches de terre on entend un certain grésillement, une certaine symphonie de la terre. Cette Irlandaise venue du grand monde habituée à se servir de Dieu sait quelles coupes en cristal ou en argent, s’enthousiasme de cette coutume et met toujours cette cruche à l’oreille pour écouter la symphonie de la terre roumaine. Brâncusi témoigne de son enthousiasme et lors du départ il lui achète une panetière en chanvre et la comble de cruches et de pots de terre. Il lui dit : Va à ton grand village qui s’appelle Paris et dis à tout le monde comment vivent mes amis et mes villageois de Hobita. »
Texte de Constantin Brancusi
« C’est la joie qui m’a toujours soutenu. Je n’ai jamais été un révolté. Je trouvais normal tout ce qui m’arrivait, tout était comme il sied. Même la souffrance je la trouve inévitable, nécessaire. Ce sont les souffrances qui m’ont modelé. Les gens sont pareils aux diamants des mines. Pour se mettre en valeur, ils doivent se frotter contre la vie tout comme à la suite du frottement on obtient l’éclat des diamants exquis.
Au début j’ai gravé sur la pierre le groupe des deux êtres enlacés…ensuite, longtemps après, la pensée m’a conduit vers l’image de la porte par laquelle on peut passer au monde de l’au-delà. Maintenant j’ai l’intention de développer les silhouettes dans le motif au-dessus de la porte. Vous le reconnaissez ? »
Commentaire de Cleopatra Lorintiu
La quintessence du beau, de l’idée d’espérance, d’appartenance, de reconnaissance. Les valeurs morales majeures, la foi et le sens du devenir, de la perfection, les idées fondamentales de la vie et de l’œuvre brâncusienne se regroupent dans la Table du silence, dans la Porte du baiser, dans la Colonne sans fin.
Brâncusi disait que pour lui le beau représentait l’équité absolue. Le beau de la matrice fondamentale, le beau d’une cruche de terre, d’un après-midi ensoleillé, d’un vers de Gorj chanté par Maria Tanase, d’un retour aux souvenirs du commencement, des parents, dans le silence du cimetière du village près de l’église élevée par son arrière-grand-père.
Texte de Constantin Brâncusi
« Les gens ne se comprennent pas, car leur organisation est pyramidale. Tout le monde se heurte pour atteindre le sommet. Et l’un bouscule l’autre pour prendre sa place. Ce serait plus normal que l’organisation soit horizontale tout comme celle des grains de blé qui se resplendissent à l’étendue des champs et reçoivent également l’aile rafraîchissante du vent et la chaleur du soleil, la pluie et la lumière, la malédiction et la bénédiction.
Qu’est-ce qui reste dans la vie après qu’on n’est plus ? Surtout le souvenir des yeux, des regards par l’intermédiaire desquels on a partagé l’amour pour les hommes, pour le monde. Ces profils symbolisent l’union à travers l’amour entre l’homme et la femme. »
Notes:
Son atelier parisien est reconstitué devant le centre Georges Pompidou .
L’exposition de l‘Armory show’ le révèle en Amérique en 1913, tandis qu’il scandalise le public français. Les douanes américaines ont voulu taxer les sculptures en bronze de Brancusi à la frontière : loin d’y voir des oeuvres d’art, les douaniers ont considéré qu’il ne s’agissait là que de matières premières passibles d’imposition . Le procès qui s’en est suivi a rendu Brancusi célèbre .
Dans le documentaire « Hobita un état d’âme » , c’est le neveu du sculpteur, Monsieur Jean Brancusi qui, habillé comme son oncle à l’époque, découvre pour nous ses endroits préférés et l’atmosphère de son enfance.
Le film a été diffusés par la Télévision Polonaise .
D’autres détails sur le film : durée 37 minutes
Une production du studio du film TVR Cinéma 2002
Lecture du commentaire – Cleopatra Lorintiu
Lecture des textes de Constantin Brancusi – Constantin Codrescu
Apparition vidéo – Ion Blendea,le conservateur de la Maison « Constantin Brancusi » de Hobita, le département Gorj
Traduction – Oana Cuzub
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