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Cleopatra Lorintiu
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         Morceaux choisis       

Extraits du livre « Quelqu’un du passé » Luna éditorial house, Bucarest 1995

Carrefour

Quand la mémoire écrite serait disparue
Quand on aurait communiqué par télépathie
Quand tout aurait été différent, autrement, autre chose
Ces pages pressées par la vie et par le sang
Compteront-elles encore ?
Quand « vie » et « sang » ne signifieront rien
Et « rien » n’aura plus de sens.

Génération vaincue
Tu ne l’es même pas !
Tu t’acharnes d’avoir du sens
Sous le règne envahissant du non-sens.

J’écrirai pour les morts, pour le passé
Pour leur passage vers d’autres règnes
Je jetterai tout à l’arrière
Et par le changement de ce sens
Je glisserai vers la vie dans la mort
Plus possible qu’un futur muet.

Très lentement

Il y a des gens qui perdent toujours. D’autres
Sont la branche de saule bouleversée par la tempête.
Le verre renversé sur la terrasse déserte. D’autres
Marchent tout le temps sur la glace qui craque.

Tu t’en souviens ? Elle, la jeunesse
N’a pas de faute et c’est à peine aujourd’hui
Que tes paroles prennent du contour comme si elles
Avaient voyagé vers moi
Très lentement. (1992)

Scènes du feu

Les hommes aimés autrefois / transformés
En images ensoleillées, paroles sacralisées
Scènes de feu dont il ne reste
Que le charbon pour le croquis.
Un étrange effet de simplification. Couleurs
Estompées et ce que tu attends le moins
Saute tout de suite aux yeux, fait par
La porte largement ouverte de la pièce où
Tout est en désordre.
Les hommes
Jadis aimés  adorés inventés  les hommes
Imaginaires
Flottant selon la grâce du coeur
Au-dessus des hommes réels, tendant
Ennuyés la mains vers la réalité.
Les hommes
Qu’on croit tout d’emblée.
J’ai peur de moi.
Des explosions solaires laissent envers nous
Non dite
L’heure fougueuse. Du passé
Presque pressé
Rien ne coagule le sang artificiel, le souvenir

Des nuits de silence

Il vient un jour où les amis
Ne te téléphonent plus à trois heures du matin. Ils ne te racontent
Plus au téléphone de graves histoires irrémédiables
Des péchés d’amour, des révélations. Il vient un jour
Où l’on ne t’appelle plus personne dans les nuits.
C’est l’heure de la réconciliation.
Quand les tempêtes se déchaînent seulement sur les mers de l’âme.
Quand on aperçoit des chrysanthèmes fanés.
Quand le tragique devient indécent. Quand
La faute n’est à personne.
Peu à peu on se préoccupe du temps galactique.
Un bolide s’éloigne de l’inquiétude
Qu’il aurait pu expliquer. Il vient un jour
Où l’on peut se rappeler les larmes solaires. (1992)

L’ombre, la  lumière de la solitude

Tu étais une autre et tout ce que tu touchais par le regard
S’ apprivoisait comme frappé par la foudre.

Ça
M’envahissait dans une douce fatigue et t’allait bien.

Je ne savais plus le goût, l’ordre naturel,
Ce qu’il sied, ce qu’il ne sied pas
Je ne savais plus, fasciné
Par ton ombre poussée sur le mur illuminé.

C’était toi, l’ombre, la lumière
Et maintenant
C’est moi seul
L’ombre lumière de la solitude
Moi seul souriant forcément dans les bords de l’hiver.

Et où est l’heureuse niaiserie ?

J ‘ imagine maintenant tes chimères,
Combien vain est tout ce qui nous entoure.
C ‘est mon rêve qui reste seulement :
Nous réchauffions l ‘un à l ‘autre les mains
Tu souriais.

J’avais commencé à t’envelopper
Dans une histoire innocente
Il y a longtemps
Depuis que tu étais une autre
Et tout ce que tu touchais par le regard
S’apprivoisait comme frappé par le foudre. (1984)

Traduction en français de Oana Cuzub